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Samstag, 30. Oktober 2010

Lettre à la prisonnière

Ingabire briseuse des barreaux ![1]
Madame,
Des barreaux des bourreaux, je vous vins émerger sourire aux lèvres. Devant des juges qui vous enchaînèrent vous dressâtes un regard de vainqueur. Tête haute - Uruhanga ari uruhanika. -  « N’ayez pas peur » vous leur dîtes. « Ne soyez pas impétueux devant mes chaînes, je les porte pour vous et mon peuple ».  « Je les porte pour vous mes persécuteurs, bourreaux, peuple de nuit, peuple morne »!
Dans ces tribunaux transformés en antichambres des tombeaux, votre présence ramena la vie, l’engagement, la force, la beauté humaine. Me voici moi aussi de retour au pays natal, là où l’homme est mort mais où la Femme vient de naître ! Je vous croyais brisée par un séjour dans ces lieux hideux, vous brisâtes ma grisaille et depuis je ne vous vois que sans grillage. Libre. D’esprit.
Que le « Dictateur » vous entrave, vous entrouvrirez les voies de la démocratie, qu’il vous bâillonne, les voix de la démocratie sonneront le tambour, qu’il vous « ordurie », vous embellirez de beauté et de son haut, cet être à sang froid qui froisse vos libertés tombera de frayeur.
Il vous fit imposer la cohabitation avec un Mort sans chaînes. En « Mère du Peuple », vous léchâtes cet autre enfant aussi, même « mort-né ». Et de lui vous ne gardâtes que compassion. N’est-ce pas cela le sens d’Être Rwandais ?
Qu’ils aillent rassembler des tombereaux, de leurs ordures, qu’ils vous les déversent et sur vous ils glisseront de honte. Que ces nécrophages et pilleurs de tombes aillent déterrer aussi Johannes Gutenberg, ils n’effaceront jamais le fait que vous fîtes réécrire le Rwanda  et la République en lettre majuscule. Qu’ils s’encanaillent en ripaillant dans des coupes funestes de scalpes des fils et filles du pays, ils ne feront jamais oublier que dès votre retour au pays natal, votre mot fut : « Emmenons-les tous ici ». Qu’ils s’égosillent à médire le monde avec lequel vous partagez la conviction que la paix aux grands lacs africains dépendra aussi des dignes funérailles de tous, ils ne changeront pas l’Histoire en marche.
Madame,
Du fond de ce cachot qui rappelle la cale jadis des navires traversant l’Atlantique, écoutez la jeunesse de vos articulations vous dire « on est la force ensemble ». Ecoutez au loin les pleurs et les cris des suppliciés qui vous crient : « nous ne sommes pas sans vous ». Ecoutez à travers la souillure des quatre murs qui vous enserrent, les blattes vous disent aussi : « nous sommes du pays  emmenez-nous ». Ecoutez l’appel des cris de nos morts à travers votre corps endolori par la froideur du bêton non armée sur lequel il se pose pour rechercher en vain le sommeil. Ecoutez vos pieds nus plantés dans la terre des ancêtres vous dire que vous êtes la racine du peuple. Ecoutez la puanteur de la transpiration de ce peuple entassé autour de vous qui ne gémit plus mais qui voit en vous le remède du mal rwandais. Ecoutez le sol du pays natal caresser vos pieds en remerciement de votre retour. Ecoutez le soupir de votre geôlier qui vous annonce sa détresse d’être l’outil du mal. Ecoutez les voix des chants des chorales de vos compagnons prisonniers, qui s’élèvent pour exalter une humanité parfois perdue vous dire que seule vous, rendrez justice à ce pays. Ecoutez le vent qui dans une charrette vous conduisant  devant vos juges vient vous caresser la joue vous transmettre l’amour des vôtres restés au loin. Ce vent qui vient du pays Orange vous dit : « les chiens ne font chats ».
Madame,
Vous voici debout sans plier dans la tempête. Vous voici dotée de reins solides sur lesquels la haine rance viendra se briser.  Vous voici humiliant la tyrannie. Faites droiture,  vous avez votre engagement et votre amour pour votre peuple comme colonne vertébrale. Vous vaincrez.
©Jean-Baptiste Haleluya


[1] Pour des raisons que j’ai déjà expliquées, je n’engagerai pas de débat sur le sujet.
Cette lettre se lit à haute voix pour que l’écho arrive à la prisonnière.

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